Inde : Mission ski de rando au Tharang

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En mai dernier, Maxime Buffet et ses acolytes mettent sur pied un projet fou : aller poser les spatules dans la vallée de Miyar au nord-est de l’Inde pour skier les 3 sommets du Tharang. Si le début du voyage se montre un peu chaotique, pas de doute que ces 10 jours à skier la neige indienne restera gravé dans leurs mémoires !

_ Texte Max Buffet

_ Photos David Gouel

 

Une arrivée en Inde tourmentée : passage du col de Rothang

 

1h30 du matin aéroport de Delhi.

L’équipe est au complet, mais surprise, il nous manque un sac. Évidemment c’est une des pièces maîtresses de notre équipement. Le personnel de l’aéroport nous dit qu’il arrivera dans 24 heures. Dehors, la moiteur de l’atmosphère polluée nous envahit.

Nous arrivons directement au bon hôtel et nous plongeons dans nos lits bercés par la clim glaciale. Le lendemain une partie de l’équipe part, 17h00 de bus pour rejoindre la petite ville de Manali. Régis et Tristan restent sur place pour récupérer le sac manquant. Quel plaisir de retourner à Manali, une petite ville nichée aux portes de la chaîne himalayenne.

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Pour le moment, le col du Rothang (3950 mètres) qui nous ouvre les portes des montagnes, n’est pas encore ouvert. Selon les dires, il reste encore sept kilomètres de route à déneiger. On envisage toutes les solutions pour franchir ce col, seul passage possible pour rejoindre le point de départ de notre expédition. Une idée consiste à rejoindre un tunnel sous le col, sa construction n’est pas encore terminée. Apparemment il ouvrirait de façon exceptionnelle, afin de permettre le passage des habitants du nord pour qu’ils puissent aller voter à Manali. Évidemment ce n’est absolument pas sûr puisque les autorités ne laisseraient passer aucun touriste

Une autre solution serait de monter jusqu’au sommet du col en 4x4, puis d’effectuer des allers-retours à skis sur la partie enneigée. Cela pour transporter les 500 kilos de matériel dans la vallée suivante. A raison de 30 kilos par personne cela représente quatre allers-retours, le top pour l’acclimatation…

Prem, notre contact local, nous conseille d’attendre… Est-ce qu’il faut commencer à réfléchir à changer notre destination ? C’est là que l’on apprend que nous pourrons passer dans deux jours, yes !

Au lendemain, Prem m’appelle pour me dire que nous partons aujourd’hui à 14h00, encore mieux !

La quantité de neige augmente au fur et à mesure de notre montée, les murs taillés de part et d’autre de la route se font de plus en plus étroits. Au passage du col, il arrive que les rétroviseurs touchent simultanément les murailles qui nous entourent. Il y a par endroits plus de 10 mètres de neige, incroyable ! Nous avons la chance de faire partie des premiers véhicules qui franchissent cette limite géographique, climatique et symbolique. Ce passage est extrêmement important pour les populations du nord qui dépendent directement de l’état de cette route pour être approvisionnés des différentes denrées nécessaires à la vie de tous les jours. Après quelques kilomètres de descente, des véhicules à contresens nous font face. Pourtant le col était ouvert seulement dans notre sens de circulation… Comment se croiser avec seulement 10 centimètres d’espace de chaque côté ? C’est là que la magie indienne opère, avec une marche arrière d’un kilomètre, notre chauffeur se gare dans un trou de souris. « Chalé Chalo ! », c’est reparti ! Nous apprendrons par la suite que la route a été à nouveau fermée peu de temps après notre passage pendant 10 jours. Le karma joue en notre faveur.

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Départ J-1 : préparatifs

 

Le lendemain nous arrivons vers midi au village d’Urgos, aux portes de la vallée du Miyar. Nous ressentons déjà les premiers effets de l’altitude, nous manquons d’air. Nous allons visiter le village voisin où la fête annuelle se tient. Accompagnés par les flûtes et les percussions, les hommes de tous âges se défient aux tirs à l’arc. Nous sommes au milieu de leurs champs en friche, bordés par les montagnes dont on aperçoit à peine le sommet. Les alcools locaux accompagnent forcément ce type de cérémonie. Il y a le choix entre l’alcool blanc de riz ou à la « local beer », un savant mélange entre le cidre et la kombucha dont le seul but est de vous monter à la tête. Nous sommes accueillis chaleureusement et nos verres sont pleins à ras-bord. Nous sommes ensuite invités à manger dans une première maison puis mangeons à nouveau dans la maison de notre deuxième hôte.

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Le soir, nous apprenons qu’il n’y aura que cinq mules à la place des 10 prévues pour l’acheminement de notre matériel. Cela fait forcément partie des imprévus de l’« Indianstyle ». Le départ est alors retardé d’un jour. Nous ne sommes pas de cet avis et parvenons à trouver une solution afin de monter dès demain matin au camp de base pour continuer à s’acclimater progressivement.

Au matin, les sacs sont prêts, après sept jours de voyage, nous voilà enfin en action ! Ça fait du bien de se dégourdir les jambes et de découvrir au fur et à mesure les paysages incroyables qui nous entourent. Les dimensions sont doublées voire triplées par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir en Europe. Nous passons le dernier village, nous voilà enfin seul parmi les vaches et les yaks. Après cette journée de marche, nous installons le camp de base à 3800 mètres.

Je suis tellement excité de la journée du lendemain que j’en ai du mal à dormir. Le matin, étant donné notre départ tardif nous ne pouvons monter très haut ce premier jour car il fait déjà très chaud à 11h00, la pente qui nous surplombe à 4100 mètres ne nous inspire pas trop. Nous descendons alors dans le fond de la vallée et nous profitons de nos premiers virages sur les neiges indiennes.

Dans l’après-midi nous répartissons les différents vivres nécessaires à chaque jour : fruits secs, gaz, couscous, fromage, barres énergétiques, … Les rations ont été calculées selon les besoins énergétiques journaliers estimés pour vivre en haute montagne. Nous effectuons les derniers réglages de matériel : crampons, vérification des baudriers, … Les sacs sont remplis et forcément plus lourds que ce qu’on pensait !

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Max Buffet

Originaire de Serre-Chevalier, Max est moniteur de ski et compétiteur sur le Freeride World Qualifiers. Amoureux de la montagne il y passe la majorité de son temps et si ce n'est pas sur des skis vous que le croisez ça sera certainement sur un velo, en parapante ou sur une voie d'escalade!

 

Le début d'une longue ascension

La laborieuse phase de « mule » est lancée, nous comprenons un peu mieux ce que les animaux ont endurés pendant une journée à transporter notre matériel deux jours auparavant. Nous partons le 23 Mai à 6h00 pour trouver l’emplacement de notre supposé camp 1 à 4300 mètres d’altitude, au-dessus d’un léger replat, relativement abrité d’éventuelles coulées de neige. Les pas se veulent le plus lents possible afin de ne pas trop forcer, car sous les conseils avisés de Régis, même si l’altitude n’est pas extrême il faut savoir s’économiser pour pouvoir tenir dans la durée ! Après une rapide concertation pour déterminer l’emplacement exact du camp, on pose le matos et on redescend à 4100m pour récupérer les restes déposés la veille.

Premier montage de camps d’altitude en mode DDE, chacun respecte son état de fatigue et se repose pendant que d’autres avancent le montage du camp : construction de plateformes pour poser nos deux tentes à l’horizontal. Les tâches se répartissent naturellement : certains se reposent en restant assis à faire fondre la neige pour alimenter les 15 litres d’eau que nous buvons quotidiennement à cinq, d’autres nivellent le terrain et montent les tentes. L’altitude se fait déjà bien sentir : si l’on est affairé à manier la pelle la tête vers le bas, on a la tête qui tourne dès que l’on se redresse. Alors parfois on travaille assis, en prenant notre temps.

À midi, il n’y a plus que le bruit lointain de chutes de pierres. Nous avons l’impression que le temps s’écoule au ralenti, sommes-nous dans une faille temporelle ?

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En tout cas ça y est, nous sommes enfin à l’endroit du planisphère que nous avons le plus étudié ces derniers mois. Des heures passées à se faire chauffer la rétine sur l’ordinateur en fixant les pixels des cartes 3D, pour tenter de se représenter le mieux possible la réalité de ce terrain encore mal connu. Depuis le temps que l’on prépare cette aventure, c’est pour nous un vrai privilège de se retrouver ici, enfin en action, loin de tout...

L’après-midi est consacrée au repos, nous sentons déjà un peu de fatigue accumulée ces derniers jours dans les différents transports. Il fait extrêmement chaud, le ciel se couvre petit à petit et les nuages descendent. On va se prendre la pluie bien comme il faut ! Au lieu de ça, on aperçoit avec étonnement les premiers flocons qui forment un léger matelas sur toutes les surfaces. Je crois bien qu’ici, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. La première dégustation des lyophilisés aux noms pompeux (« bœuf chasseur » ou encore « sauté de veau à la hongroise ») est faite à la nuit tombante, ils accompagneront chacun de nos repas du soir.

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Mule un jour, mule toujours ! Nous voilà repartis pour rejoindre le camp 2 à 4800 m, nous ferons deux allers-retours aujourd’hui afin de monter toutes les charges. La descente avec le sac vide est un vrai bonheur, la pente idéale pour se faire plaisir en grands virages dans ce vallon ouvert. Nous sommes surplombés par la langue glacière qui s’écoule lentement depuis les sommets des Tharang, les formes données par la glace sont magnifiques. Après ce plaisir éphémère s’en suit la montée sous une chaleur de plus en plus intense, j’essaie de faire abstraction de cela et me calque sur le rythme d’Étienne, la locomotive de l’équipe. J’ouvre grand la bouche et augmente volontairement mon rythme respiratoire, bonne ou mauvaise idée ? J’ai seulement l’impression que cela m’aide à avancer et ne pas m’arrêter. Je tiens bon, nous arrivons les premiers en haut mais je me suis bien mis dans le rouge… Fin de cette session de « mule », pour aujourd’hui en tout cas.

 

L’étape des Tharang : une épreuve physique et mentale

Quatrième jour de mule, David descend se reposer au camp de base, il a passé sa nuit à faire de l’apnée du sommeil, à être essoufflé, bref à ne pas dormir. Il a surtout laisser des plumes comme nous lors du portage d’hier. Nous partons avec le reste de l’équipe pour nous approcher du but : le plateau glaciaire des Tharang situé entre 5300 et 5500 mètres d’altitude. Premiers visuels directs avec les Tharang I et II, magnifiques, l’excitation est à son comble ! Nous nous encordons dès que nous pensons être sur le glacier. Peu de temps après je décide de ne pas poursuivre, je ressens une fatigue profonde. Elle s’ajoute au poids du sac, à l’altitude (nous avons dépassé les 5000 mètres) et la chaleur de cette fin de matinée. Tristan se joint à moi et nous observons disparaître rapidement Régis et Étienne tels deux mules au sommet de leur art : ils ont récupéré nos charges et malgré cela ils semblent accélérer jusqu’à un rythme de croisière d’une rapidité incroyable. De vraies machines ! La légende raconte même que l’on aperçoit des étincelles sous leurs skis, tellement leur vitesse est élevée lorsqu’ils montent…

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Retour au camp 2 à 4800 mètres, Régis et Étienne nous rejoignent rapidement. Je pense à David qui profite du yackuzzi à cette heure-ci, nous le rejoindrons demain après-midi. Le yackuzzi est un mix propre à la localité : il suffit de profiter des remous massant du torrent glacé et de la proximité des yacks qui viennent à notre rencontre, curieux de nous voir sur leur territoire si rarement habité par l’homme.

Dimanche 26, départ pour le Tharange Fang à 5450 m, une arrête surmontée d’une dent sommitale granitique d’une vingtaine de mètres.

Nous partons léger pour la première fois depuis le début du trip, quel bonheur ! Après une progression en crampons sur une belle pente en neige dure à 35°, on rejoint l’arrête. Régis nous fait une belle démonstration de singeries en crampons sur le rocher – ce qu’il préfère en alpinisme nous avoue-t-il par la suite. Le voilà en équilibre sur ce fin morceau de granit suspendus au-dessus du vide. Tristan, son fils, l’assure depuis le bas avec le brin de corde rouge... Nous restons là, sur l’arrête à observer le funambule qui nous rejoint suivi de Tristan, la joie est intense. Grosse pensée pour David et son yackuzzi, nous apercevons les tentes du camp de base presque 2000 mètres plus bas. Une descente d’anthologie nous attend, avec Étienne on s’offre même le luxe d’enchaîner la première belle pente et un couloir situé plus bas en face ouest. Même si ce n’est pas une poudreuse de rêve, cette descente est d’une saveur toute particulière. À 11h00, nous faisons fumer l’eau du yackuzzi avec nos pieds fatigués.

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Mardi 28 Mai, camp de base, 6h00 du matin : les cinq mules sont prêtes, comme à leurs habitudes encore plus chargées que la fois précédente… Je ne connais pas le poids de nos sacs, je sais juste que le mien pèse trop lourd. Tout le monde doit se dire la même chose et ne peut s’empêcher de peser le sac des autres. Cela en espérant en trouver un plus léger afin de lui refourguer une cartouche de gaz ou une ration de couscous à la dernière minute… ! Un jeu bon enfant évidemment. Nous partons directement pour le camp 2 à 4800m. Cette fois-ci la montée me parait interminable. Elle semble de plus en plus difficile, sous une chaleur étouffante. Les derniers deux cent mètres sont un vrai calvaire, j’ai envie de m’arrêter à chaque pas, je pense à Régis, Tristan et Étienne déjà arrivés Je me retourne vers le bas et regarde David, plus bas que moi, je me dis qu’il y a pire situation que la mienne. Cela m’aide à tenir, merci David !

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Mercredi 29, nous sommes enfin tous réunis au camp 3, le plus avancé à 5370 m. On est maintenant au cœur de l’élément, au pied des trois Tharang qui nous dominent. Le camp est installé, deux tentes et l’espace cuisine du midi : une banquette en neige qui fait face au « bar des neiges ». À midi, c’est l’heure la plus chaude, généralement le soleil est à notre aplomb et même les faces nord ne sont plus à l’ombre.. Nous mangeons en sous-vêtements, protégés des coups de soleil par un pantalon et une veste gore tex. S’en suit l’arrivée des nuages qui peut donner lieu à de petites averses de neige accompagnées de bourrasques de vent. En fin de journée, les nuages se déchirent et donnent lieu à un coucher de soleil incroyable. Dès que le dernier rayon est passé, le froid s’installe, nous plongeons alors dans nos doudounes et l’intérieur de la tente se couvre de givre. Il tombe une neige légère à chaque fois que l’on touche accidentellement la toile de tente. Nous passons ensemble le repas du soir dans la tente-restaurant où les réchauds font chauffer l’eau issue de la neige fondue. Nous nous enfonçons ensuite dans nos énormes duvets, il fait entre -10°C et -15°C.

Nous commençons par le Tharang III à 5880 m, le plus accessible. Lors de l’ascension, on entend le « whoum » caractéristique d’une rupture de couche fragile à proximité de notre itinéraire, significatif d’un risque de départ d’avalanche. Nous sommes en alerte et décidons d’éviter une pente importante en remontant le long d’une arrête, à l’abri. Nous arrêtons notre progression 20 mètres sous le sommet, la dernière arrête d’une centaine de mètres de long est agrémentée d’une immense corniche. Nous ne voulons pas nous risquer à évoluer sur cette zone potentiellement instable qui nous projetterai 500 mètres plus bas… La vue est évidemment indescriptible, des sommets enneigés à perte de vue. Nous avons aussi un point de vue privilégié sur nos deux objectifs principaux que sont les Tharang I et II. La face visible du Tharang II est peu accueillante puisque nous y avons vus des départs spontanés d’avalanches. Pour le moment nous sommes dans une phase d’observation, avant de décider comment s’y prendre pour les gravir. Nous descendons du Tharang III en profitant de chaque virage, la fin nous mène en pente douce au camp 3.

 

Les dernières dépenses d’énergie avant le repos

La journée du vendredi 29 est consacrée à la récupération du matériel restant au camp 2 et au repos. Étienne et Régis partent en reconnaissance et traversent le glacier pour atteindre le pied du Tharang II. À leur retour, ils nous font part de leurs doutes concernant la stabilité du manteau neigeux de la face nord. Nous ne savons pas s’il sera possible de gravir le Tharang II. Étienne, qui a encore et toujours de l’énergie en stock, commence à lisser la corniche qui mène entre les deux tentes. Je devine immédiatement son idée : construire un saut. Je le regarde faire de loin, je me sens trop fatigué. Il fait un premier saut d’essai, le vol paraît correct. Après quelques essais supplémentaires, au sommet de la prise d’élan, il imite la gestuelle d’un back flip afin de prévisualiser sa figure. 30 secondes plus tard, il l’exécute en l’air et réattéri parfaitement. Bien joué ! Ni une, ni deux, je saute en vitesse dans mes chaussures de ski, à mon tour. Je suis surexcité à l’idée de moi aussi m’envoler la tête en bas à 5400 mètres d’altitude. Peu de temps après je profite de ce vol, la tête en bas, il restera gravé à vie dans ma mémoire. Merci Étienne de m’avoir motivé !

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Le lendemain nous décidons de nous attaquer à la dent du lézard à 5900 mètres. Ce promontoire granitique marque l’extrémité de l’antécime nord-ouest du Tharang I qui culmine à 6066 mètres. Il faut, pour y accéder, traverser le plateau glaciaire puis remonter un raide et court passage avant d’arriver au pied d’un magnifique couloir rectiligne à 40° que nous remontons avec les crampons. L’ambiance est encore une fois majestueuse, nous faisons directement face au Tharang II et ses 6011 m. Les sommets se profilent une fois de plus à l’infini, l’ascension est lente mais j’y prend beaucoup de plaisir. Au sommet, c’est à notre tour de faire les funambules. Avec Étienne, nous grimpons les derniers mètres de granit qui nous sépare de la petite plateforme. Bien assis au bord du vide, nous prenons le temps de profiter de ce moment suspendu, Régis nous rejoint. De là, nous avons un point de vue privilégié sur le couloir qui mène directement au Tharang I. Il apparait très raide, de plus nous devinons une fin en glace. Cela nous aide à prendre la décision que nous ne tenterons pas le sommet à skis, à pied non plus. Nous sommes venus pour skier de belles pentes avant tout. Nous attendons que la neige ramollisse un peu sous le soleil afin de se faire encore plus plaisir. Après 45 minutes à attendre, rien n’a changé, il est temps de redescendre. Je suis le chanceux premier de la bande à m’élancer dans ce couloir. Même si la neige est dure, l’accroche est bonne et mes skis travaillent bien, j’ai une totale confiance en eux. Cela me permet de placer de bons appuis et de prendre de la vitesse. Trois minutes plus tard, je suis en bas et je ventile tout ce que je peux afin de récupérer de cette descente raide en altitude. C’est au tour des autres, chacun à son rythme, ils prennent tout leur temps pour profiter de l’instant et assurer chaque virage. C’est beau ! On finit par skier tous ensemble une magnifique crête qui nous amène jusqu’au pied du bassin.

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Le dimanche 2 Juin, nous séparons l’équipe en deux : Régis et Étienne vont explorer derrière le col entre les Tharang I et II, y trouvent un couloir débouchant directement sur le sommet du Tharang II. La montée y sera sûre si l’on part tôt le matin. Pendant ce temps-là on en profite avec David et Tristan pour aller faire des images sur des faces que l’on a repéré les jours précédents. On trouve même un peu de neige fraîche !

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Lundi 3 Juin, départ dans la nuit à 4h00 du matin, il fait -10°C et le temps est clair, les conditions sont idéales. Nous empruntons les marches taillées la veille par Régis et Étienne pour atteindre le col des Tharang à 5700 m, avant de descendre en face sud et de rejoindre le pied du couloir sud-est débouchant au sommet. Après tous ces jours passés en altitude nous sentons la fatigue accumulée, en particulier Tristan qui peine à suivre notre rythme pourtant déjà lent. Des choucas lui tournent autour, il est tellement fatigué qu’il commence à croire que ces oiseaux lui en veulent et commencent à l’attaquer, heureusement qu’en réalité non ! On le soutient au maximum pendant que régis s’occupe de la sécu. Il installe un relais à 30 mètres de la corniche sommitale afin de nous assurer mutuellement en cas de chute, aussi pour prévenir l’instabilité du manteau neigeux en face nord. On finit pas à pas et nous voilà réunit sur l’arrête sommitale, avec la concentration et la fatigue accumulée j’ai du mal à réaliser ce que l’on vient d’accomplir. Nous profitons ensemble de ce moment unique, nous replongeons vite dans la concentration et mettons en place les manœuvres de sécurité pour quitter un à un l’arrête. La descente dans le couloir est un vrai régal sur une neige un peu ramollie par le soleil. Arrivés au camp 3, nous sommes épuisés, je m’allonge directement dans la tente sans bouger pendant un certain temps. Le soir l’orage gronde autour de nous, un éclair tombe à moins de 300 mètres, pas très rassurant !

Mardi 4 Juin, nous descendons au camp de base en récupérant la totalité du matériel des camps 2 et 3. Nous nous entraidons pour charger sur notre dos des sacs de plus de 30 kilos.

À 11h30 nous mettons le pieds dans le yackuzzi, quel bonheur !

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